Droit au Travail

Droit au Travail

Voir : http://www.droit-au-travail.com/

Et si Droite et Gauche s'entendaient pour faire oublier la première et permanente revendication des travailleurs pendant deux siècles: le Droit au Travail ?

En feignant d'oublier qu'il est inscrit dans la Constitution. Ceci au profit de deux leurres, le ''travailler plus'' des uns, le ''travailler moins'' des autres, qui leur assure une tranquille ''alternance''.

Philippe Brouillard remet en cause le choix actuel d'un assistanat de plus de 150 milliards d'euros, somme qui peut fournir plus de 5 millions d'emplois productifs à 1500 euros net. Sans impôt supplémentaire.

Et donner un avenir à l'économie de la France.


Texte PDF complet : http://www.droit-au-travail.com/

lundi 28 février 2011

Critique de DAT par JOE LIQUEUR ( Communisme Libéral )

Voir l'article sur le site de l'auteur : DAT


A propos du Manifeste pour le droit au travail 

 

Je viens de découvrir ce texte remarquable de Philippe Brouillard, que j’ai ajouté en lien dans la colonne de droite, à la rubrique “Textes politiques”, à côté du texte du M’PEP intitulé “Le droit opposable à l’emploi”. Si le travail du M’PEP était fort intéressant, ce Manifeste pour le droit au travail me paraît encore meilleur à certains égards, quoique par ailleurs moins bon à d'autres égards. Dans certains cas, c'est d'ailleurs à double tranchant. Pour ne prendre qu’un exemple, le citoyen Brouillard critique les termes de “droit opposable” (note page 42) ; il fait très bien, car si tout droit est par principe opposable, tout droit doit surtout être effectif ! Mais d'un autre côté, les propositions de Philippe Brouillard, comme celles du M'PEP, relèvent plutôt du plein emploi que du véritable droit au travail ; nous allons y revenir. Et nous avons encore d'autres réserves, quoique celle-là soit en fait la plus importante dans le cadre du débat sur le droit au travail.





Quoi qu'il en soit, ce manifeste est une vraie mine de formules brillantes et de morceaux de bravoure. Quelques extraits :

“La politique a toujours été notre meilleur produit d'exportation. Avec Voltaire, Napoléon ou la Commune. Avec Sarkozy on n'exporte plus que la risée. Il précipite notre déclin”.



“La dé-syndicalisation de la France traduit l'intuitive méfiance des travailleurs à l'égard des professionnels du “dialogue entre partenaires sociaux””.

“C'est pourquoi, au risque des hurlements de la Gauche, nous inscrirons nos solutions dans une tradition et ouvrière et libérale”.

“Partons de la plus grave anomalie sociale :
 plus d'un cinquième de la population potentiellement active est écarté de la production des biens et services. Cinq à six millions de Français sont privés de travail et mis à la charge des salariés actifs”.



“La Gauche a réussi le prodige de faire de l'UMP le nouveau Parti des Travailleurs !”.



“Revenons sur l'idée que la gauche véhicule désormais à propos du travail. Il n'est plus, pour elle, le facteur de dignité et d'émancipation potentielle qu'il était. Au temps de Marx, au temps de Jaurès, de Thorez, et encore dans le verbe de Marchais. Le travailleur, pour elle, n'est plus le créateur de tous les biens terrestres, dont le capital profite, un producteur qui revendique à bon droit, mais plutôt un être souffrant, accablé, opprimé... par le travail”.


Il est clair en effet que la gauche a jeté aux orties la dialectique du maître et de l’esclave, cette énorme trouvaille de Hegel qui a tant inspiré Marx et qui reste un fondement essentiel pour toute vraie réflexion de gauche. Et comme le dit encore l’auteur de ce manifeste, “passant par là, Sarkozy a ramassé la ''valeur-travail'' qui traînait sur le bord du chemin”…

“On a vu se multiplier, pincée après pincée, des centaines d’“aides aux plus démunis”. Non plus comme un juste retour de la richesse à ses producteurs, mais comme une aumône due à la bienveillance des politiques”.


Et le clou, c’est ceci

“Pour l'heure, une grande conviction habite les bobos du PCF et le reste de la gauche politicienne, à savoir que les Français, grâce à l'assistanat, satisferaient une immense envie de ne rien branler. (…) Si cette ''analyse'' percutait, les flemmards de tout poil s'en remettraient à leurs bergers ''de gauche'' pour dormir sur leurs ''acquis sociaux''. Or, stupeur, ils sont allés voter pour le ''travailler plus'' de qui on sait. Cherchez l'erreur ! Certes, une génération élevée sous la perfusion des ''droits'', des ''aides'', n'est pas spontanément et unanimement folle de stakhanovisme. Mais les enquêtes montrent toutes que la très grande majorité des allocataires divers cherchent avant tout à trouver un boulot. Un vrai, si possible. La principale objection au Droit au Travail, c'est parmi les chevaux de retour du ''socialisme'' qu'on risque de la rencontrer. Ce n'est pas négligeable”.

Pas négligeable, en effet, comme tu dis, citoyen Brouillard… C'est exactement ce que nous disions dans notre billet intitulé précisément “LA mesure de gauche dont les partis “de gauche” ne veulent surtout pas (entendre) parler”… (2)



Tout cela fait bien sûr écho à nos deux billets consacrés à la conférence donnée par Henri Peña-Ruiz pour le P“G”. De même que ceci :

“Interrogez le militant socialiste ou communiste lambda, il vous dira que la majorité des chômeurs craint plus la dureté du travail que le chômage lui-même. Ces gens ont pris une telle distance d’“élite pensante” avec le peuple, qu'ils profèrent ces conneries en toute bonne foi”.



Ou ceci :

“Ayant abandonné le terrain de la ''valeur'', propre aux salariés, qu'est précisément la valeur de leur travail, la Gauche française meurt dans ses peu reluisantes convulsions électoralistes, laissant le champ libre aux “penseurs” de la “modernité”, les Minc, les Attali, les BHL, les DSK, les Robert Hue et mille autres. On aura même vu, au plus fort de la crise du chômage, le plus farouche défenseur de la tradition communiste, André Gérin, député d'une zone industrielle particulièrement touchée, se mettre soudain en croisade… contre la burqa ! Fermez le ban !”.



Ou encore ceci :

“Les doctrinaires petits-bourgeois de gauche ont presque tous sauté le pas. Faute de voir des armées de salariés en grève générale, ils s'excitent contre le travail lui-même. Ce n'est plus le patronat qui aliène en spoliant par la force de sa situation dominante, c'est le travail qui épuise, qui “abrutit”'. C'est, pourquoi pas, le salarié qui accepte les conditions de travail aliénantes qui est le vrai responsable de son aliénation”.


Une excellente critique de l’“anti-libéralisme”

A propos de l’“anti-libéralisme”, le citoyen Brouillard frappe aussi très fort et très juste :

“Se dire “'anti-libéral” relève de la provocation verbale, aux effets négatifs dans l'opinion. En effet, une masse influente et non négligeable de la population se reconnaît dans le libéralisme. Pas celui de Sarkozy, celui de leur profession “libérale”. Non assujettie au grand capital, du moins dans la forme. L'infirmière “libérale”, l'artisan, le travailleur indépendant, et même le bricoleur au noir se définissent plutôt comme “libéraux”. Ils assimilent libéralisme et “liberté”, ce qui, d'ailleurs, correspond à l'esprit du libéralisme dans sa tradition historique”.



“Parler de “libéralisme” quand c'est l'État qui finance ainsi le patronat, quelle insulte aux théoriciens libéraux ! Tocqueville en tomberait raide. Il faut sans cesse le redire aux démagogues de l'anti-libéralisme”.



“Aucune dynamique sociale ne se crée sur un mot d'ordre négatif”.


Au PCL, nous allons même jusqu’à critiquer de la même façon l’“anti-capitalisme”. Ne pas confondre le capitalisme en général, qui peut trouver sa place y compris au sein d’une société authentiquement socialiste, et le fondamentalisme capitaliste, qui relève plutôt de la pathologie mentale… et qui est une véritable calamité sociale, un vrai danger public.

Goûtez encore ce paragraphe qui se termine en apothéose :

“Que faire pour “sauver l'emploi” ? Cela tombe sous le sens : il faut d'abord sauver le patronat… Puisque c'est lui qui, seul, “crée” des emplois. Un patronat accablé, en France – surtout en France – par les épouvantables “charges” qui pèsent sur lui. Baisser les salaires (et pourquoi pas les supprimer, ce qui créerait des millions d'emplois ?) ne serait pas forcément populaire. Autant baisser les fameuses “charges”. C'est-à-dire le salaire différé qu'est la sécurité sociale. Que sont les retraites. C'est moins voyant. On a donc multiplié les “exonérations de charges sociales”. Au prétexte de l'emploi des apprentis, des jeunes, des seniors, des handicapés, des RMIstes, des banlieues, des zones de revitalisation rurale, des heures supplémentaires (4,2 milliards), des marins, des routiers, des aubergistes (4 milliards), etc. Plus de 25 milliards en 2008 et combien depuis ? (Le but ultime étant de mettre la sécu en faillite, conformément aux objectifs de l'OMC)”.

Vous avez bien lu la parenthèse : “le but ultime étant de mettre la sécu en faillite, conformément aux objectifs de l'OMC”. Les objectifs de l’OMC étant ceux du FMI… ou de la Commission européenne. Ce sont toujours les mêmes objectifs ! En tout cas, on peut dire que l’auteur sait faire preuve de lucidité, balancer un pavé dans la marre, mettre les pieds dans le plat. Et c’est tellement rare…



Philippe Brouillard critique aussi avec beaucoup de pertinence le terme “opposable” (en note page 42) dans la locution “droit au travail opposable” telle que proposée par le M’PEP… Il partage ainsi nos réserves exprimées dans le billet consacré au droit au travail et à son histoire.



De même, nous sommes totalement en phase avec l'article 6 du projet de loi de Philippe Brouillard :

“Le droit de ne pas travailler est reconnu à chacun. Il ne donne droit à aucune aide publique”. Voir le point 3 des principes généraux du communisme libéral. Le droit de ne pas travailler va de soi, c’est une simple question de liberté individuelle. Mais le citoyen Brouillard a le courage d’affirmer, comme nous, que ce droit ne saurait aller de pair avec la moindre aide publique. Libre à chaque citoyen de ne rien branler pour la collectivité ni pour une entreprise privée ; mais dans ce cas, le citoyen en question doit être invité à se démerder tout seul.

Et maintenant, nos réserves…

Comme annoncé au début de ce texte, nous avons aussi de sérieuses réserves.

Concernant les articles 1 et 2 du projet de loi proposé par Philippe Brouillard, il faut être clair : le PCL défend des principes différents. Pour nous le droit au travail, c'est nécessairement le droit à un emploi de fonctionnaire (ou en CDI pour les étrangers) dans le secteur public, et dans les deux cas les démarches doivent se limiter à une simple demande auprès de n'importe quelle mairie (voir le point 3 des principes généraux et le projet de loi sur le droit au travail). Nous ne pensons nullement que la “fonctionnarisation” constitue en quoi que ce soit une “dérive”… au contraire. Et du coup nous ne craignons pas de “tâtonner”, et nous ne voyons pas de “point faible” dans le système que nous proposons.

Reprenons donc ces deux articles du projet de loi inclus dans le Manifeste pour le droit au travail.

Article 1 :
“Chaque entreprise ou administration est tenue de créer un nouveau poste de travail par tranche de cinq salariés. La rémunération des salaires sera assurée la première année par la reconversion de toutes les “aides à l'emploi” et au non-emploi”.

D’accord pour les administrations, bien sûr, mais pourquoi contraindrait-on les entreprises privées à embaucher des salariés, même en leur assurant un financement ? Là ce n’est plus très libéral, et à double titre – car il faut savoir si l’on veut ou non priver les entreprises privées de toute subvention publique (voir infra). C’est pourquoi le PCL – fidèle à sa ligne communiste et libérale - ne saurait partager de telles propositions. A noter que le M’PEP, dans son texte sur le “droit opposable à l’emploi”, affirme au contraire que “ces emplois seront créés essentiellement dans le secteur non-marchand”. Ce qui nous convient beaucoup mieux, même si, au PCL, nous proposons que ces emplois soient tous créés dans le “secteur non-marchand”, i. e. dans le secteur public. Imposer des contraintes d’embauche aux entreprises privées ne nous paraît décidément pas judicieux… et pas très libéral.

Article 2 :
“Le Ministère du Travail publie la liste des nouveaux postes offerts en assurant la priorité aux chômeurs, garantis dans leur salaire précédent”.

Là encore soyons clairs, il ne nous paraît pas du tout réaliste, et par ailleurs beaucoup trop complexe, de garantir les chômeurs dans leur salaire précédent. Par ailleurs, accorder une priorité aux chômeurs serait contraire au principe d’égalité. Voilà pourquoi le PCL propose d’une part que le droit au travail s’exerce exclusivement dans le secteur public, d’autre part que ce droit soit assorti de garanties salariales modestes (1). Bien sûr, nous avons conscience que cela pourrait mettre certains travailleurs dans une situation délicate, en leur imposant dans certains cas, et au moins provisoirement, une baisse de salaire drastique. Mais nous envisageons un dispositif permettant de pallier ces difficultés : les travailleurs bénéficiant d’un revenu élevé pourraient souscrire une assurance-chômage auprès de la Société Nationale d’Assurance (voir Secteur public et gratuité). Ces contrats d’assurance seraient payants, et souscrits de façon volontaire. Ils seraient conçus pour permettre aux travailleurs concernés de faire face à une baisse drastique de leur revenu sans risquer la faillite personnelle.

Et surtout, plus généralement, il ne faut pas confondre le plein emploi et le droit au travail. En réalité, et quoi qu'il s'en défendent, le M'PEP comme Philippe Brouillard défendent bien le plein emploi, et non pas le droit au travail. Certes, à bien des égards, ces deux concepts aboutissent en pratique à un résultat très similaire. Mais le PCL défend justement l'idée selon laquelle le principe de droit au travail est infiniment préférable au principe de plein emploi. Pour illustrer ce propos, ainsi que nos propos précédents, il n'est que de prendre un exemple : celui de la France pendant la période dite des “trente glorieuses” (1945-1975, pour faire bref). A l'époque, en pratique, il y avait toujours des postes disponibles dans la fonction publique, le nombre de postes mis au concours étant tendanciellement et globalement supérieur au nombre de candidats. Du coup, nous n'étions pas très loin d'un droit au travail effectif. Le PCL propose simplement de franchir le dernier pas, en posant le principe que la fonction publique doit embaucher tout le temps et sans conditions. Ce qui n'exclut surtout pas, bien sûr, de maintenir le principe du concours, aussi bien pour l'avancement que pour le recrutement “ordinaire” hors catégorie DAT (voir là encore le projet de loi sur le droit au travail).

Nous approuvons cependant les deux objectifs généraux fixés par Philippe Brouillard concernant le licenciement dans le secteur privé :

1/ Ne pas l'interdire.
2/ Le préserver au mieux de l'arbitraire patronal.

Ne pas interdire les licenciements, voilà qui est la marque d’une vraie conviction libérale, et aussi d’un refus réitéré de la démagogie à la sauce NP“A”. Donc nous applaudissons. Pour ce qui est de mettre des bornes à l’arbitraire patronal, nous pensons qu’il faut préserver un droit du travail contraignant, et maintenir la pré-éminence du CDI. Et pour cela, nul besoin de multiplier les lois ; par le simple jeu de l’offre et de la demande, dès le moment où le droit au travail est institué, le recours aux CDD et à l’intérim serait de fait limité aux cas où ce type de contrat est réellement honnête, loyal et pertinent. C’est d’ailleurs cette même logique qui nous conduit à prôner la suppression du SMIC en même temps que celle du RSA, pour conserver seulement un Salaire minimum d’Etat (SME) dans le seul secteur public. En effet, dès le moment où tout travailleur serait assuré de trouver dans le secteur public un emploi de fonctionnaire (ou en CDI pour les étrangers), et avec un salaire minimum garanti (et indexé sur l’inflation), les employeurs privés subiraient cette concurrence de fait et ne pourraient de toute façon plus se permettre de proposer des emplois à court terme sans que cela soit réellement justifié… ni bien sûr se permettre de proposer des rémunérations nettement inférieures au SME. Les malheureux, s’ils persistaient dans ce genre de politique, il ne pourraient plus recruter personne, tout simplement ! En bref cela les ramènerait bien vite à la raison, et à une approche fordiste du capitalisme (le fordisme étant bien une forme de socialisme capitaliste, comme nous le soulignions dans notre précédent billet).

Profitons-en pour commenter les autres articles du projet de loi de Philippe Brouillard ; cela s’impose car il y a aussi de très bonnes choses.

Article 3 :
“Le salarié licencié conserve son salaire pendant deux mois, étant assuré d'un autre emploi”.

Dans le cadre des mesures proposées par le PCL (voir le projet de loi sur le droit au travail), cela ne semble pas utile, le délai d’obtention d’un emploi public rémunéré (dans la catégorie “DAT”) étant limité à un mois. Les indemnités légales de licenciement pourvoieraient dans la plupart des cas aux besoins du travailleurs licencié pendant ce mois de battement. Et même, dans certains cas, elles y pourvoieraient largement, étant entendu qu’il s’agit encore une fois de maintenir un droit du travail contraignant, et les indemnités de licenciement qui vont avec. Néanmoins, pour les cas plus difficiles, ceux dans lesquels les indemnités de licenciement sont trop misérables, il suffirait de donner des consignes ad hoc à la Banque de France (3), afin que les citoyens concernés puissent bénéficier de droit, si besoin, d’un simple découvert.

Article 4 :
“L'assistance sociale est garantie aux inaptes au travail mais un travail est garanti aux handicapés”.

Voilà qui semble tout à fait pertinent. Cela rejoint d’ailleurs nos propositions - voir le point 3 des principes généraux. Le droit au travail doit être ouvert aux citoyens handicapés comme aux citoyens valides, et pour les personnes souffrant d’une invalidité empêchant toute activité professionnelle, nous prévoyons une allocation d’un montant égal au salaire médian calculé par l’INSEE.

Article 5 :
“Le financement de l'article 1 est garanti pendant un an, renouvelable en partie en fonction de l'évolution de la qualification des nouveaux salariés et de leur remise progressive à la charge de leur entreprise. Les sommes économisées sont versées au budget de l'éducation, de la recherche et de l'innovation”.

Pour des raisons que nous précisons dans le projet de loi de réforme fiscale, cet article 5 nous semble tout à fait inutile. Et puis, cette “remise progressive à la charge de leur entreprise”… outre le fait que nous refusons toute implication des entreprises privées dans la mise en œuvre du droit au travail (voir supra), cela nous semble vraiment “tordu” pour ne pas dire fumeux. On dirait du Mélenchon (là nous sommes certes un peu sévères ; quand Mélenchon défendra vraiment le droit au travail…). Et encore une fois, cet article confirme que le citoyen Brouillard envisage bien de convertir les “aides à l'emploi et au non-emploi” en subventions aux entreprises privées, au moins pour un an voire plus, ce qui est en contradiction avec l’article 7 de son propre projet de loi. A moins que j’aie mal compris.

Article 6, voir supra.

Article 7 :
“Les entreprises privées ne reçoivent aucune subvention des fonds publics”.

Rien à redire. A noter que dans le cadre du programme du PCL, le secteur public garantissant (via des monopoles d’Etat ou via des entreprises relevant du secteur public non-monopolistique) l’efficience et la pérennité des activités économiques à caractère stratégique, et garantissant également le droit au travail et donc la sécurité économique des citoyens et résidents étrangers, alors il n’y a plus aucune raison de verser la moindre subvention aux entreprises capitalistes privées. Vous voulez du libéralisme ? On va vous en donner. Désormais les subventions, c’est à utiliser en suppositoire. Vous allez goûter au socialisme et à l’économie mixte à répartition sectorielle…

Article 8 :
“Les cotisations ASSEDIC sont supprimées”.

Rien à redire non plus. Nous proposons naturellement de supprimer aussi les allocations chômage (voir le point 3 des principes généraux), et le Pôle emploi lui-même, qui deviendrait heureusement sans objet avec l’instauration du droit au travail. Ce qui rejoint le point 6 du projet de loi du citoyen Brouillard.

En revanche nous nous inscrivons en faux contre cette affirmation :



“Notons là que les nationalisations mitterrandiennes correspondaient aux vœux du grand patronat, soucieux d'énergie, de transports et de crédit à bas prix, aux frais de l'État”.



Nous pensons au contraire qu’a priori ces nationalisations n'étaient pas du tout du goût du “grand patronat”… moyennant quoi celui-ci a d’abord tout fait pour les négocier à des conditions formidablement avantageuses pour lui (avec des indemnités colossales), avant d’obtenir un peu plus tard que ces nationalisations en peau de lapin soient purement et simplement annulées, et en n’oubliant pas de rafler la mise au passage une deuxième fois. En outre, en tant que démocrates (et jacobins) convaincus, nous récusons par principe l'idée marxiste d’“Etat bourgeois” (évoqué par Philippe Brouillard en note page 29) ; pour nous l'Etat, dans un cadre démocratique, n'est que le bras du peuple souverain. En bref nous ne partageons nullement cette sorte de défiance instinctive envers l’Etat, que le citoyen Brouillard semble quant à lui partager avec un certain nombre de camarades de gauche.


Où l’on reparle de prométhéisme…

“Un certain protectionnisme s'impose déjà”, nous dit Philippe Brouillard ; nous estimons plutôt qu'un véritable protectionnisme s'impose de toute façon. Ce qu’il nous faut, ce n’est pas un protectionnisme à l’américaine (encore que ce serait déjà un certain progrès) ; c’est bien plutôt un protectionnisme à la chinoise !



Le citoyen Brouillard affirme également ceci (un peu vite, même s’il semble prendre une certaine distance) :

“Deux théories sociales s'affrontent depuis des siècles, qui opposent un principe de gauche et un principe de droite. Le premier prétend répartir les richesses, le second dynamiser la production par la concurrence”. Il nous semble que cette présentation des choses est bien trop schématique, réductrice, et à vrai dire erronée. Dans un futur billet consacré à Prométhée (un vrai serpent de mer, ce texte !), nous allons justement expliquer que le fond de l'affaire est bien différent.

Dans le même ordre d’idées, il va de soi que nous ne pouvons partager les considérations du citoyen Brouillard à propos de la crise écologique. Nous ne nions certainement la réalité de cette crise, mais pour faire bref, nous nous incrivons en faux contre l’idée selon laquelle l’“épuisement de la planète” constituerait une limite infranchissable (ou à ne pas franchir) pour le développement et la croissance de l’activité humaine. Comme nous l’expliquions dans ce récent billet, et comme nous allons l’expliquer plus longuement encore dans ce fameux billet consacré à Prométhée, il est absurde d’affirmer que nous vivons dans un monde fini, ou que “nous n’avons qu’une planète”. Voir aussi la petite citation de Tsiolkovski dans la colonne de droite.


Autre chose : quand l’auteur du manifeste pour le droit au travail rappelle qu’“en mai 68, la lutte pour les salaires aboutit à un Grenelle”, alors que “l'agitation “anti-société-de-consommation” ne mena qu'à la victoire du RPR”, il a tout à fait raison, mais il oublie un petit détail. En 1968, les (énormes) augmentations de salaire obtenues par les grévistes ont pu être absorbées assez facilement par la grâce d’une dévaluation. Or en l’état actuel des choses, la dévaluation est exclue, vu que la (vraie) banque centrale est indépendante, et “européenne” (mais en fait très allemande). Pour mener une politique macro-économique, il faut des outils macro-économiques, donc il faut recouvrer une totale souveraineté monétaire ; donc il faut sortir de l’Union européenne. Les masses luttent pour, c’est exact, mais quand l’Etat qu’elles dirigent a des outils macro-économiques pour agir, ça marche beaucoup mieux !

“Preuve est archi-faite, nous dit Philippe Brouillard, que la fonctionnarisation de l'économie tue l'initiative et ralentit la production”. Là c’est un peu inquiétant, on croirait entendre Alain Minc en personne… Là encore nous ne pouvons que nous inscrire en faux contre ce genre d’affirmation. Nous croyons au “dynamisme concurrentiel”… mais nous croyons tout autant, et même davantage, au dynamisme démocratique. Et contrairement au citoyen Brouillard, nous considérons que la mise en commun des moyens de production doit bien se faire par leur concentration entre les mains d'un État démocratique… au sens démocratique du terme. Pour nous, un Etat démocratique au sens plein du terme n’est pas un Etat “prolétarien” ; c’est “juste” un Etat souverain et dont le pilotage se fait via le suffrage universel direct. Nous ne parlons pas, toutefois, de nationaliser tous les moyens de production. Mais de nationaliser tous les moyens de production qui relèvent de l'intérêt général. C'est pourquoi nous défendons l'économie mixte à répartition sectorielle ; rappelons que notre parti virtuel et ce site internet qui en est la modeste manifestation dans le monde réel ont justement été créés, à l’origine, pour définir ce que pourrait être une véritable économie mixte à répartition sectorielle, et à dominante publique ; une économie fondée sur de grands monopoles d’Etat ; il s’agissait précisément de déterminer les périmètres respectifs (tels que que nous les estimons souhaitables) du secteur public et du secteur privé.


De même, quand le citoyen Brouillard évoque “la peu exaltante expérience soviétique”, nous estimons qu’il va un peu vite en besogne. Nous ne discuterons pas le fait que l’URSS a été une dictature (de ses débuts tragiques à sa fin pitoyable et dramatique), ni le fait que Staline était un dictateur particulièrement sanguinaire (ce qui est déjà beaucoup moins vrai de Krouchtchev, Brejnev, Tchernenko ou Gorbatchev). Mais il faut quand même voir les choses en face : au début du 20è sicèle, la Russie était un Etat sous-développé, qui avait à peine entamé sa révolution industrielle, et qui sortait à peine du féodalisme - il est peut-être bon de rappeler qu’en Russie, le servage a été aboli en 1861… (par le tsar Alexandre II). Au milieu du 20è siècle, soit seulement deux générations plus tard, l’URSS était la deuxième puissance mondiale. Dix ans plus tard, elle était à la pointe de la technologie spatiale et envoyait le premier satellite, puis le premier homme, dans l'espace ; elle en avait fini avec le stalinisme, soldé par un Krouchtchev nettement plus “coulant” ; son système éducatif produisait des scientifiques brillantissimes, son système de santé soignait la population dans des conditions plutôt correctes, la condition féminine était relativement acceptable dans toute l'Union, les citoyens soviétiques étaient tous logés dans des conditions dignes… et enfin, last but not least, puisque nous parlons de droit au travail, eh bien il est peut-être bon de rappeler aussi que l’URSS et ses Etats satellites d’après 1945 sont tout de même, dans toute l’histoire contemporaine mondiale, les seuls pays où le droit au travail ait jamais été réellement mis en œuvre (idem pour le droit au logement). Certes, le droit de ne pas travailler n'était pas reconnu - encore que l'absentéisme fût devenu un sport national, bien loin du stakhanovisme officiel - et comme on ne pouvait pas non plus envoyer tout le monde au goulag pour des peccadilles… Certes, l'URSS n'était pas un eldorado des libertés individuelles, ni surtout de la liberté de conscience (laquelle fait bien sûr partie des libertés individuelles), et encore moins un eldorado des libertés publiques. Mais le PCL étant communiste et libéral, et donc libéral et communiste, ne se permettrait certainement pas de qualifier l'expérience soviétique de “peu exaltante”. Il va cependant de soi, et peut-être mieux en le disant, que cette soviétophilie affichée (qui a quelque lien avec notre jacobinisme revendiqué) ne doit surtout pas être comprise comme une apologie de la dictature stalinienne, ou même krouchtchévienne ou brejnevienne etc !

Ce qui nous rassure un peu, c’est que Philippe Brouillard évoque tout de même des services publics “avec 20% d'effectifs en plus”, ce qui du reste est parfaitement cohérent avec l’article 1 de son projet de loi. Et reconnaissons-le, il y a quand même là de quoi contrarier très fortement le citoyen Minc, et le mot est faible… Quant à nous, au PCL, nous préférons un secteur public avec 80% d’effectifs en plus, et même plus exactement avec des effectifs illimités.

Une dernière chose : concernant les suicides à France Telecom, avec tout le respect que l’on doit bien sûr aux disparus et à leur famille, et sans faire fi des pratiques “managériales” très douteuses qui peuvent avoir cours dans cette entreprise, nous pensons qu’il s’agit d’une mascarade médiatique. En effet, comme François Krug de Rue89 le signalait ici, le taux de suicide au sein de France Telecom n’est pas nécessairement différent du taux de suicide global au sein de la population française ; encore que Luc Peillon de Libération apportât ici un contrepoint… En fait la question est très complexe et très loin d’être tranchée. Mais franchement, qui pourrait croire que les salariés de cette entreprise soient globalement plus malheureux et plus mal traités que les salariés français dans leur ensemble ? Ce serait grotesque, et ce serait faire injure à tous les autres travailleurs.

N’empêche. Globalement, ce manifeste pour le droit au travail est une excellente contribution au débat. Nous adressons donc à son auteur nos sincères salutations communistes et libérales !



(1) Entre 100% et 150% d’un Salaire minimum d’Etat fixé à 1 200 nouveaux francs (NVF), soit l’équivalent de 1 200 € avec une parité de 1 NVF = 1 euro ; voir les points 1 et 3 des principes généraux et le projet de loi sur le droit au travail.

(2) Il faut toutefois reconnaître que depuis la publication de ce billet en novembre 2009, le P“G” a fait quelques progrès notables à cet égard, comme l’attestent certaines des propositions du “programme partagé”. Même si ces propositions restent très insuffisantes et souvent douteuses. Nous envisageons d’y revenir plus longuement.

(3) Laquelle serait désormais détentrice, en vertu du point 4 des principes généraux, d’un monopole d’Etat sur les services bancaires et financiers.

 

 

 

Réponse.


"Je te propose de confronter en partant du financement de notre Droit au Travail. Il me semble que tu restes fort discret sur les moyens de sa réalisation. Sur son financement. J'espère surtout que tu ne subordonnes pas le DAT à une allégeance au jacobinisme. Non que ma culture, plutôt léniniste, y répugne a priori. Mais se donner le handicap de proposer le doublement des fonctionnaires me paraît contre-productif (dans tous les sens du terme!).
Mon article 1 me paraît devoir résister à ta critique. Il est jacobin par sa forme législative autoritaire mais libéral dans sa liquidation de l'assistanat. Si je le veux ''rassembleur'' – au-delà du monde salarial – c'est que je le pense tout au contraire d'un projet abstrait, théorique, utopique.
J'avouais, dans mon Manifeste, un embarras certain quant à l'application du DAT aux résidents non-français. L'actualité est venue depuis un mois trancher le nœud gordien. Les révolutions arabes se sont faites au départ au nom du Droit au Travail. Une évidence pour le cas tunisien. La généralisation du DAT, très au-delà de l'espace français, voilà à point nommé la réponse attendue. Bien qu'à vrai dire inattendue.
En résumé, j'attache un tel prix au Droit au Travail, à la fois comme seule réponse à la crise et comme potentiel palier révolutionnaire indolore que je soutiens sans réserve qui, comme toi, s'en réclame, quels que soient nos attendus par ailleurs.
J'attends avec impatience ton avis-en-retour. Nous ne resterons pas très longtemps les deux seuls tenants du Droit au Travail, deux affreux libéraux exécrés de la Gauche. Bien qu'il ne faille pas sous-estimer son pouvoir de nuisance, à la Gauche. A preuve: dans le seul pays du Maghreb où existent des partis de gauche influents, l'Algérie, la mobilisation des masses est nulle. Les Algériens devront-ils rester comme les seuls sans-couilles du monde arabe au motif que leurs partis s'inspirent des nôtres? A voir.
Encore merci pour ton encouragement blogueur. Ça fait du bien. Ça donne envie d'avancer. A plus



1 commentaire:

  1. Mon Manifeste et ta critique datent maintenant de deux ans. Déjà Hollandréou perçait sous Sarkoparte... Le voici à l'Elysée, prêt à répondre au pire de la crise... par pire encore. Je reviens sur nos divergences, dont la principale touche à la fonctionnarisation. Je veux bien admettre quelques inconséquences à l'endroit de mon assez récent libéralisme. Mais le tien, à multiplier fonctionnaires et pouvoir d'Etat, sent foutrement plus le fagot. Mais où est l'essentiel? Il est pour moi dans la recherche non d'un projet de société mais dans un programme politique largement rassembleur des victimes de la crise présente. Il ne préfigure en rien les équilibres futurs qui te semblent pertinents. Les possibles contradictions de ma proposition renvoient au pire aux contradictions actuelles de l'opinion.
    La préoccupation première des Français est plus que jamais l'emploi. Je crois plus urgent de leur proposer un programme aussi consensuel que possible - fût-il qualifiable de réformiste - plutôt qu'une raisonnable thébaïde. Proposer cinq millions de fonctionnaires en plus pour 2013 risque d'être pris pour un gag. Et qui payera? Le produit des entreprises fonctionnarisées? Et quand?
    Au bout de 2 ans, notre DAT n'a convaincu personne. Gardons un consensus minimum entre nous pour en tenir le flambeau.

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